Le Bon Accueil : Art, vidéo et politique en Argentine

Un ensemble d'œuvres vidéo comprenant 4 installations et une vidéo sur moniteur.

L'année '76 a vu apparaître la dictature la plus brutale jamais connue en Argentine; centres clandestins de détention, tortures, terreur, silence..."desaparecidos", ce mot, en espagnol, est connu dans le monde entier. Avez-vous déjà essayé de compter jusqu'à 30 000 ? tel est le nombre de "desaparecidos" pendant cette période. Où sont-ils ? "Madres de Plaza de Mayo" les cherchent encore... et les bébés kidnappés et privés de leur identité ? "Abuelas de Plaza de Mayo" les cherchent encore... La mémoire cherche à reconstruire une histoire, personnelle et sociale (en memoria de los pájaros).
La dictature a évidemment brûlé des livres et, de manière beaucoup plus large, condamné la culture au silence. Tous ceux qui avaient des livres "suspects" dans leurs bibliothèques étaient contraints de les cacher, l'une des solutions étant de les enterrer dans le jardin en attendant la fin du cauchemar. La dictature tombé, la culture reprit ses forces, mais les années '90 sont les années de l'ultra libéralisme et tout est mesuré selon sa valeur marchande et les profits que l'on puisse en tirer, ce qui est une autre façon de condamner la culture au bûcher (fahrenheit 451). Cette course vers le profit économique immédiat, avec un mépris total des conséquences sociales que cela entraînerait a détruit ce qui restait encore debout (hogar... cálido hogar). La société a mis du temps à réagir mais finalement, la souffrance ayant ses limites, elle a fini par exploser; au cri de "que se vayan todos"* la population gagna la rue; se organisa en assemblées de quartier et les ouvriers licenciés reprirent les usines abandonnées par les patrons en y mettant en place des coopératives de travail. Le Président de la Nation quitta la maison du gouvernement par le toit, en hélicoptère, et en une semaine 4 présidents se succédèrent; la crise était grande mais un rêve prenait forme (20122001-sueños). L'organisation populaire au-delà des partis politiques échoua, mais les coopératives de travail font résistance en rétablissant des liens de solidarité détruits pendant le décennie de fête ultra libérale; fête à laquelle seul quelques "élus" étaient conviés, laissant au bord du chemin un nombre inimaginable de "sans travail", des travailleurs qui gardent le souvenir des gestes réalisés lorsqu'ils étaient encore en activité (reocupación).

* "qu'ils s'en aillent tous" (en parlant des politiques)

Gabriela Golder
en memoria de los pájaros
2000 - 18' 40" en boucle
"A la mémoire des oiseaux" propose un voyage initiatique aux confins de la survie. Le 24 mars 1976, la dictature militaire s'installe en Argentine et avec elle, le terrorisme d'état. J'avais 5 ans. La terreur a persisté jusqu'en 1983; 7 années pendant lesquelles ceux qui m'entouraient pensaient que j'étais une petite fille en marge de cette peur. J'ai regardé autour de moi, beaucoup n'étaient plus là... (espace bar)

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Marcos Luczkow

Hogar... Cálido Hogar
2007 - vidéo installation en boucle sur 3 moniteurs
Une poésie hypnotique en mouvement. Le temps qui se répète et montre la décadence des structures qui ont essayé d'être ce qu'elles ont toujours promis. Un modèle fait cendrées et un espace blanc à réorganiser. Ces objets précaires ne signifient rien, cependant en étant là ils nous disent quelque chose. Les chauds projets qu'en un instant deviennent sordides enfers. Le rêve de la perfection une fumée faite. (espace vitrines)

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Etcétera TV
20122001 (sueños)
2004/2005 - installation, vidéo en boucle, moniteur, lit, pamphlets.
"qu'ils s'en aillent tous, qu'il n'en reste même pas un"; les casseroles vides résonnent-elles encore?
Ont-elles été balayées, toutes les pierres de la grande avenue ?
Les Barricades sont-elles devenues des Musées ?
Ou est-ce que la fumée obscure de ces pneus a fini son agonie ?
des rêves?
Là où nues sont les vérités de la faim
Leur a-t-on ouvert l'appétit ?
€≠$≠¥≠♥
“Quelle grande idée celle de transformer le sang en argent!”
Avez-vous peur ?
Bienvenus au Système Capitaliste!
Êtes-vous : Débiteur, Client, Travailleur ?
Résister ou Confronter ?
Et cetera...
(salle 1)
















Gabriela Golder

Reocupación
2006 - vidéo projection sur 2 écrans et moniteur
"Reocupación" est un essai audiovisuel réalisé à partir des mouvements reproduits par des personnes qui avaient un travail et qui ne l'ont plus par des raisons étrangères à leur propre décision ; ils reproduisent, en dehors de leur scène de travail habituel, dans le vide et sans leurs éléments de travail les (leurs) actions appartenant à leurs occupations respectives. Comment organise-t-il sa vie, un homme qui n'a plus de travail ? Qu'est-ce qu'il fait de ses mains ? De son habileté ? De tous les savoirs appris ? De son identité ? De sa mémoire ?

"Reocupación" se propose de sauver la mémoire d'actions qui disparaissent graduellement de notre contexte. Il s'agit d'un discours polyphonique dans lequel chacun des ex-travailleurs présente, représente et remémore ce en quoi consistait son activité (des gestes et des actions) et d'autre part, en quoi leurs vies ont été modifiées dès qu'ils ont arrêtée de les réaliser. Le vidéo est articulé comme une exploration dans le monde du travail : enregistrer le savoir des autres, les gestes des autres, d'autres corps, appréhender, recueillir des témoignages, des actions et des signes qui tendent à disparaître.
Des mouvements qui survivent au sujet, et qui ne l'abandonnent pas. La récurrence, la routine, ces mouvements ou des positions corporelles qui font à l'identité d'un travail. Une tentative pour fixer des mouvements éphémères écrits par les corps en constituant une polyphonie esthétique et narrative. (salle 2)














Gustavo Kortsarz
Fahrenheit 451

2001 - vidéo projection en boucle et environnement sonore.
La vidéo est un plan fixe qui montre un livre (« Fahrenheit 451 » de Ray Bradbury) qui prend feu et brûle. Le même plan est monté en sens inverse et le livre calciné retrouve son état d’origine. Environnement sonore composé par Garth Knox. (salle 3)

Aujourd’hui on ne brûle pas les livres. Ou plutôt on ne les brûle plus. Il arrive qu’on les interdise, et encore, rares sont les pays occidentaux où une censure officielle continue de s’exercer sur les œuvres de l’esprit.
Aujourd’hui, lorsqu’un livre gêne, on lance des tueurs contre son auteur ; on met à prix la tête d’un Salman Rushdie, coupable d’avoir écrit des Versets sataniques jugés incompatibles avec le respect dû au Coran par ceux qui s’en estiment les vrais gardiens et les vrais interprètes. Ou on porte plainte contre l’éditeur dans l’espoir d’obtenir que le livre ne soit plus en librairie et que ledit éditeur soit frappé de lourdes amendes ; les articles L 227-24 et R 624-2 du nouveau Code pénal autorisent n’importe quelle ligue de vertu à se lancer dans ce genre de procédure. Ou, dans l’éventualité d’un film considéré comme offensant, les soi-disant offensés font pression sur les pouvoirs publics pour que celui-ci soit retiré de l’affiche –cette pression pouvant aller dans le cas les plus extrêmes, celui de La Dernière Tentation du Christ de Martin Scorsese, par exemple, jusqu’à la mise à feu d’une salle de cinéma.
Comme le dit Bradbury, «il y a plus d’une façon de brûler un livre », l’une d’elles, peut-être la plus radicale, étant de rendre les gens incapables de lire par atrophie de tout intérêt pour la chose littéraire, paresse mentale ou simple désinformation.
Ecrivait Jean d’Ormesson dans Le Figaro du 10 décembre 1992, au lendemain de la suppression de Caractères, l’émission littéraire animée par Bernard Rapp sur France 3 : « On ne brûle pas encore les livres, mais on les étouffe sous le silence. La censure, aujourd’hui, est vomie par tout le monde. Et, en effet, ce ne sont pas les livres d’adversaires, ce ne sont pas les idées séditieuses que l’on condamne au bûcher de l’oubli : ce sont tous les livres et toutes les idées. Et pourquoi les condamne-t-on ? Pour la raison la plus simple : parce qu’ils n’attirent pas assez de public, parce qu’ils n’entraînent pas assez de publicité, parce qu’ils ne rapportent pas assez d’argent. La dictature de l’audimat, c’est la dictature de l’argent. C’est l’argent contre la culture (…) On pouvait croire naïvement que le service public avait une vocation culturelle, éducative, formatrice, quelque chose, peut-être, qui ressemblerait à une mission. Nous nous trompions très fort. Le service public s’aligne sur la vulgarité générale. La République n’a pas besoin d’écrivains. » (Jacques Chambon)

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Exposition du 1er février au 1er mars
Vernissage le jeudi 31 janvier à partir de 18h30
Ouvert du mardi au samedi de 14h à 19h
lieu :
S.E.P.A. - Le Bon Accueil - 74, canal Saint Martin